Une bonne part de la propagande que les Etats-Unis déversent sur le monde célèbre les triomphes de la démocratie américaine : élections « libres », gouvernement représentatif et verdicts décidés par un jury. Ce qui suit ne fait pas l'objet de la même publicité.
William Henry Hance, jugé coupable de l'assassinat, en 1978, d'une prostituée de Géorgie, fut condamné à mort. Son procès initial et ses procès d'appel se déroulèrent devant des jurys très majoritairement blancs. L'un des jurés - la seule Noire - déclara sous serment qu'elle n'avait jamais consenti à la peine de mort. Cela fut confirmé par un autre juré, une Blanche cette fois, qui précisa que le procès avait ressemblé à un lynchage plutôt qu'à une procédure judiciaire.
Ce dernier juré, Mme Pamela Lemay, a affirmé, dans une déclaration attestée par un notaire, qu'elle avait entendu un membre du jury s'exclamer : « Le nègre a reconnu les faits. Il faut le condamner à frire. » Et, plusieurs fois, à l'hôtel où résidaient les jurés, Mme Lemay prétend qu'elle a perçu, hors la présence du seul juré noir, des propos décrivant Henry Hance comme « un nègre assez typique » ou « un autre nègre que personne ne regrettera ». Lors des délibérations portant sur la question de savoir si Hance devait être exécuté ou bien condamné à la prison à vie, un juré a observé que l'exécution lui semblait préférable, car, « comme cela, il y aura un nègre de moins qui procréera ». Voilà ce qu'on appelle en Amérique un « jury constitué de pairs ».
Pensez-vous qu'un seul de ces éléments ait gêné la cour supérieure de justice de Géorgie, ou la Cour suprême de l'Etat, ou même la Cour suprême des Etats-Unis ? Absolument pas. Le 11 avril 1994, à 22 heures, William Henry Hance, un homme à la fois malade mental et arriéré, fut exécuté. C'est-à-dire électrocuté après un lynchage judiciaire perpétré par l'Etat de Géorgie, dont la devise est « Sagesse, justice et modération ».
Réagissant à l'ultime appel présenté à la Cour suprême par les avocats de William Hance quelques heures avant son électocution, le juge Blackmun, en désaccord avec la décision de ses collègues, écrivit : « Même si je n'avais pas abouti à la conclusion que la peine capitale ne pouvait pas être équitablement imposée, en respectant les contraintes de notre Constitution (...) je ne pourrais pas consentir à son application dans ce cas précis : un nombre suffisant d'éléments me permettent en effet de penser que William Henry Hance est à la fois arriéré et malade mental. Il y a par ailleurs de bonnes raisons de croire que le procès et le verdict ont été infectés par des préjugés raciaux. Enfin, l'un des jurés a déclaré qu'il n'aurait pas voté la peine capitale compte tenu de l'incapacité mentale du condamné. » La majorité des membres de la Cour suprême ont rejeté ce raisonnement. Les tribunaux de Géorgie et des Etats-Unis sont ainsi tombés d'accord avec ce juré anonyme qui estimait que Hance se porterait mieux s'il était mort. Et que son exécution signifierait « un nègre de moins qui procréera ».